L'Enfer

Moi au quotidien

 

L'Enfer

 

 

Hier soir, des invités, la meilleure amie et le mari de ma mère. Je les adore, réelement, ce sont des jeunes, très sympa, rigolos, vraiment passionnant. Une bonne soirée en perspective. Enfin, bonne...pas pour tout le monde.

Rentrant du lycée, après la pesée de toutes les deux semaines avec mon médecin, je me jete sur ma toute nouvelle balance, reçue la veille. Ouf, le poids est le même que celui de chez le médecin. Enfin 100g de moins.

Se pourrait il que j'ai perdu 100 g rien qu'en marchant à une allure modérée pendant 30 min, sachant que depuis le début de la journée, j'avais ingurgité en tout et pour tout 120 calories ?

Non, bien sûr que non, espèce d'idiote, ton gras ne s'envole pas aussi vite. Regarde, ton compteur de calories affiche qu'en marchant ainsi, tu as brûlé 87 calories seulement. Ce n'est pas ainsi que tu as le contrôle, idiote !

 

Le soir, arrivé à la maison, seule. Puis peu de temps après, mon père arrive, un carton tout frais sortant de chez P*card, car il n'a pas le temps de cuisiner pour ce soir.

Ouf ! Ce sont que des petites part individuelles, thème asiatique, je pourrais ne casiment pas manger, personne ne sera rendra compte de rien, sauf peut être mes parents, qui me surveillent de près, mais c'est moins grave, ça.

Arrête de dire ça ! Tu sais très bien qu'une fois que tu auras tout préparé, tout mis sur la table joliement décorée, coupé les petits légumes, et disposé les assiettes, tu te jetteras sur la bouffe, cette bouffe que tu refuses de voir chaque jour de ta vie, que tu n'arrives pas à ingurgiter autrement que par nécessité à cause du monde qui t'entourre !

 

La soirée s'est déroulée. C'était sympa, ils étaient toujours aussi joyeux, tout pleins de petites histoires rigolotes. Après l'apéro, le plat, après le plat, le fromage... "Personne ne veut de fromage ?" demande mon père. "SI MOI ! Mon ventre hurle qu'il a besoin de ce pain, de cette baguette tout chaude sortie du four, et de ce tendre fromage !" hurlais-je interrieurement... "Non, merci, on a beaucoup mangé déjà ! Tu avais prévu des quantités astronomiques dis moi !" sourrièrent les invités.

 

Puis le dessert. Bien sûr, ça ne me suffisait pas, cette part de flan aux abricots secs. L'assiette de gateaux dans la cuisine, ramené par mon père, d'une oeuvre pour une école quelconque me tendait les bras... La cuisine americaine fût mon seul "salut". Elle m'empechait de subtiliser une part de ses gateaux, de pain, ou autre. Les invités s'en aillent, mes parents vont se coucher, moi, je reste seule, dans ma chambre, à hésiter à vomir, avec le risque de me faire entendre, tellement les cloisons de l'appartement sont fines. Je ne préfère pas monter sur la balance. Mon ventre ne me fait pas mal, comme à ma dernière crise de boulimie (hyperphagie ?) que je n'ai pas vomie. Mon ventre est normal, avec une seule sensation, indescrptible, pas désagréable, bizarre. Serait ce..la faim ? Mais qu'est ce que c'est que la faim au fait ? Comment ça fait ? Je ne m'en souviens même plus... Je me couche, avec qu'un seul mot à la bouche : chocolat.


Demain matin, au lieu de mon petit déj habituel, très light, à base de fruits, je mangerais du chocolat.


Et je m'endors, avec cette pensée, centrée, encore et toujours, sur la nourriture.

 

Lendemain matin. Pesée. Le chiffre a encore augmenté, comme depuis deux semaines que tu fais des crises, de plus en plus fréquentes.

Je ne suis qu'une vache qui ne pense qu'à la bouffe, bouffe, bouffe !

 

Ma mère s'active, puis s'en va. Je pensais que mon père partirait aussi. Mon cerveau était déjà bien avancé, dans les phases de la crise. Je m'imaginais déjà tous les aliments que j'allais pouvoir ingurgiter, tous ces aliments interdits en temps normal. Le pain, le Nutella, les gateaux, les smoothies, les fruits secs en quantité.

 

Je demande à mon père ce qu'il a prévu de faire ce matin. "Jardinage." "Mais, tu restes à la maison ?!" "Bah oui... Ce n'est pas parce que je suis habillé que je sors.." Le rêve s'effondre. Le rêve de pouvoir se remplir, puis se vider, à volonté, pour montrer la maitrise que j'ai sur mon corps, puisque le contrôle alimentaire ne me suffit plus. Le poids ne descend plus, plus assez rapidemment, surtout, et les privations qui d'habitude ne m'affectent pas, deviennent lourdes, les cochonneries, crées par le marketing des entreprises pour faire gonfler leur fucking chiffre d'affaire m'attirent de plus en plus. Je lutte. Et je finis par céder. Aussi faible et sans contrôle que je suis. Alors, le moyen de retrouver le contrôle, c'est de se vider, jusqu'à ce qu'un goût de fer apparaisse dans ma bouche.

 

Tant pis, mon père est là, mais je m'attable, avec le pot de Nutella, et deux tartines de pain. 60 calories le pain, le Nutella, 80 calories la cuillère à café. Mais ces pensées, centrées sur les calories, vont peu à peu disparaitre, la prise alimentaire va s'accélerer. Le pain, le nutella, les smoothies, les noix, les gateaux. Tout est pris peu à peu, en petite quantité, pour ne pas trop éveiller les soupsons de mon cher papa, me regardant dans le jardin.

 

Mais pourquoi ne vois tu pas mon regard suppliant, de tout faire pour céder cette crise, qui se déroule sous ton nez ?! Pourquoi me laisses tu faire ? Pourquoi te réjouis tu de me voir attabler avec du pain et du Nutella, comme lorsque j'étais une petite fille ?! Pourquoi ?! Pourquoi n'as tu pas vu mon regard rempli d'effrois, lorsque j'ai vu que je ne pourrais pas rendre ma crise dans les toilettes, ou dans un sac dans ma chambre, sans être entendue par toi ? Pourquoi n'as tu pas compris pourquoi je cherchais désespérement un sac plastique, avant d'entrée dans la salle de bain ?


Mon cerveau ne fonctionne plus à partir du moment où il pense à toutes les choses qu'il pourra manger. Et là, cherchant un moyen de compenser radicalement la prise alimentaire, il se réveille peu à peu, affoler de l'énormité qu'il a fait, que J'AI fait.

 

Pourquoi n'as tu pas vu mes yeux remplis de larmes, lorsque je suis sortie de la salle de bain, avec un nouvel échec : celui de ne pas avoir réussi à vomir, à part de l'eau. Et puis j'avais peur que tu m'entendes, Papa, alors au bout d'un certain temps de tentatives vaines, j'ai arrêté, tu comprends.. Je me suis alors déshabillée, et auscultée. Ces os, ces côtes. On les voit. Et pourtant. La peau est ferme, mes soutiens gorges trop petits d'il y a quelques années me vont désormais trop grands. Mes jeans et mes T shirt aussi. Je souffres, j'ai mal, Papa, Maman. J'ai mal. Et pourtant, ces chiffres, qui ne descendent pas, je vais y arriver, ein, je vais y arriver, ils vont descendre, je le retrouverai, ce contrôle, ein ?

 

"As tu des questions ? Peut être que je pourrais t'apporter des réponses..." me disent la psychiatre, la psycologue, et le médecin toutes les semaines. MAIS BIEN SÛR QUE J'EN AI, CONASSE, DES QUESTIONS ! MAIS TU POURRAS PAS Y REPONDRE, TU LE COMPRENDS CA ? TU NE POURRAS PAS ! Toutes ces questions, en partie énoncé ci dessus, personne n'a ou n'aura la réponse...

Et pour commencer chaque rendez vous, cette éternelle question "Alors, où en sont tes rapports avec la nourriture ?" Mais vous voulez que je vous répondes quoi putain... Sérieusement... "Tout va bien, on m'oblige juste à venir vous voir pour votre beau bureau." ...

 

Et l'Enfer continue. Ce midi, au repas. Voilà, j'ai le week end, je pourrais souffrir, tempeter, crier, hurler, pleurer, que je mangerais. Oui oui. Et lundi, tous les kilos accumulés vont disparaitre. Comme un mauvais souvenir. J'atteindrais le premier palier fixé : 42 kg. J'en suisà 44kg. Largement faisable.

 

Et le bulletin, reçu cet après midi, n'arrange en rien les choses. Il y a quelques années, j'étais une exellente élève. Maintenant, il y a écrit "Ne travaille pas." ou bien "Poursuivez les efforts." C'est dur. Je n'arrive pas à me concentrer en cours. Pourquoi faut il que je me mette à soudainement compter les calories en plein contrôle de maths, alors que j'étais en train de calculer la limite d'une suite de raison r puissance q à l'aide d'un algorithme ? Pourquoi faut il que je me mette à compter en combien de jours je pourrais perdre 4 kg ou plus sans tomber, en pleins contrôle de biologie sur le reflexe myotatique achilèen ? Pourquoi ? Pourquoi suis je tellement exténuée que je m'effondre, mes yeux se remplissent de larmes, alors que je suis en cours ? Et pourquoi le seul échapatoir que j'ai trouvé à ses crises de larmes et de colère, est de poser la tête contre la surface froide et dur de mon bureau, et de m'endormir, avant de me faire réveiller par la sonnerie annonçant le cours suivant...

Les rêves de carrière s'effondrent.

Les élèves de ma classe me regardent, en se demandant quel peut bien être mon problème. Les crises d'asthmes, de larmes, ma meilleure amie, elle même dans ma classe, qui me supporte, mes repas, toujours très légers, mes connaissances diététiques et mes envies de toujours parler de bouffes pour compenser ce que je ne mange pas, mes notes, en chute libre.

Je fais peur, et je fascine, je crois. "Elle n'a rien mangé la demoiselle !" disent les dames qui débarassent les plateaux à la cantine. "Tu ne prends que ça ?" me dit le cuisto chaque jour ? Occupez vous de votre gras, avant de vous occupez du mien..

 

C'est un véritable  enfer , cette vie, dans l'anorexie.



19/03/2011
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